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Mischling

Mischling

Affinity K.

 

"   Auschwitz ne m'a jamais oubliée. Je l'ai supplié de le faire: Mais j'avais beau pleurer, négocier ou me faner. il veillait à bien retenir mon numéro et à compter toutes les âmes qu'il revendiquait. Nous étions si innombrables que nous aurions dû écraser toute cette terre sous notre multitude. Mais ce lopin ne voulait pas être écrasé. D'aucuns affirmaient que nous pourrions l'anéantir une fois que nous aurions bien compris le mal qu'il représentait. Mais toutes les fois que nous commencions à comprendre le mal, celui-ci augmentait. D'autres croyaient que l'espoir pourrait en avoir raison. Mais chaque fois que fleurissait l'espoir, il en allait de même de nos tortures. Voici ce que je croyais : Auschwitz finirait quand Pearl reviendrait. Où elle était partie, je l'ignorais, Je savais seulement qu'elle n'était pas avec moi.

   Et je savais aussi que je passais la majeure partie de mon temps dans un ancien tonneau à choucroute, endroit avantageux pour ma veille, en dépit du fait que je n'ai pas tardé à empester le chou. Un parfait périmètre d'isolement pour guetter le retour de ma sœur. Pas de blokowa, pas de membres du Zoo, pas de Père des Jumeaux. Rien que moi, mes poux et un judas englobant tout ce que je voyais du monde.

   "Tu est là?" Peter cogna le poing sur le bois de mon logis. Je me dois de préciser ici qu'il s'était écoulé, je crois, trois jours depuis la disparition de Pearl, bien que nous sachions tous les deux que le temps n'était pas ma partie, mais le domaine de ma sœur.

Au début, je n'étais pas seule. Juste après que la musique de l'orchestre eut emporté ma sœur, les poux sont venus me tenir compagnie."

 

Affinity K.

Mischling,Roman traduit de l'anglais américain par Patrice Repusseau

Chapitre "Stasha, IX Million après million"

Actes Sud, 2017, page 152.

 

4e de couverture

Pearl et Stasha ont douze ans, sont jumelles. Deux jeunes filles ordinaires. Mais pour les nazis, elles ont une particularité : ce sont des mischlinge, des sang-mêlé. C’est à ce titre qu’elles sont déportées à Auschwitz, à l’automne 1944, avec leur mère et leur grand-père. À leur descente du wagon à bestiaux dans lequel elles ont voyagé pendant plusieurs jours, les soeurs sont immédiatement repérées par un garde. Ce dernier les conduit à un homme en blouse blanche, à la mise impeccable et au physique d’acteur hollywoodien. Un homme attentionné, souriant, au regard amical – il distribue des bonbons, demande à se faire appeler “Oncle”. Elles ne tarderont pas à découvrir que ce médecin, Josef Mengele, est un monstre capable des pires atrocités. Tout comme les enfants qui les entourent, Pearl et Stasha ont été sélectionnées pour faire partie de son “Zoo”.
À travers l’histoire d’amour de deux soeurs précipitées dans l’enfer d’Auschwitz et unies par un lien indestructible, Mischling jette un regard nouveau sur l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité.
Un roman déchirant sur la compassion et la cruauté, la brutalité et la force des sentiments.

 

La Musique dans le système concentrationnaire nazi

Amaury du Closel

 

Les orchestres à Auschwitz

Auschwitz comptait deux orchestres d’hommes, l’un créé à Auschwitz I en 1942, l’autre

à Auschwitz-Birkenau à la fin de la même année. Le camp des femmes d’Auschwitz

disposait également de son orchestre dirigé par la violoniste Alma Rosé. Elle était la

fille d’Arnold Rosé (1860-1941), violon solo de la Philharmonie de Vienne, fondateur de

l’un des plus célèbres quatuors à cordes de l’époque qui portait son nom, et par ailleurs

beau-frère de Gustav Mahler. Il y avait également des ensembles dans le camp tzigane

et celui des familles de Theresienstadt de Birkenau, ainsi qu’au sous-camp de Buna-

Monowitz (Auschwitz III).

 

Les orchestres des camps : fonctions

Les fonctions des orchestres des camps étaient les suivantes :

1. Rythmer la journée de travail

2. Jouer pendant les punitions et les exécutions

3. Donner des concerts pour les SS et les prisonniers

4. Jouer pour les divertissements privés des SS

5. Jouer pendant les cérémonies officielles

6. Dissimuler la réalité de la vie des camps

7. Accompagner le processus de sélection dans les camps d’extermination

 

Témoignage d'Helena Dunicz-Niwinska  :

"Durant les concerts du dimanche, nous

jouions dehors, entre les baraquements. Nous interprétions des ouvertures, des

marches, des airs d’opéras ou d’opérettes. Les gens descendant des wagons,

avant d’être sélectionnés, puis dirigés vers les fours crématoires, entendaient

évidemment notre musique, tout comme nous pouvions les voir, et avons été

les témoins conscients de ce qui se passait.»

Le Block de l’orchestre était situé à proximité immédiate de la rampe, et lors des concerts du dimanche en plein air, programmés sans rapport avec l’arrivée des transports, il est plus que

probable que les déportés entendaient le son de l’orchestre. Les historiens pensent aujourd’hui que le processus de sélection, tout comme l’assassinat des prisonniers, n’étaient pas accompagnés – sauf exception – par de la musique. En revanche, les musiciens avaient conscience d’être entendus, et ce souvenir eut pour les survivants un impact psychologique intense.*"

 

Extraits de La Musique dans le système concentrationnaire nazi, Amaury du Closel, éditions du Conseil de l'Europe

 

*C'est moi qui souligne

Lire

Dans l'orchestre d'Auschwitz

Jean-Jacques Felstein

Imago, 2010

 

Note de l'éditeur :

"Arrêtée en 1943, déportée à Auschwitz, Elsa survécut parce qu’elle eut la « chance » d’intégrer, en tant que violoniste, l’orchestre féminin dirigé par Alma Rosé, nièce de Gustav Malher. Tel est le secret que Jean-Jacques Felstein découvrira, bien longtemps après, en exhumant peu à peu l’impensable passé de sa mère, morte prématurément sans lui avoir jamais rien révélé.

Jean-Jacques n’aura alors de cesse de reconstituer la vie d’Elsa à Birkenau, et partira à la recherche des survivantes de l’orchestre en Allemagne, en Belgique, en Pologne, en Israël, aux États-Unis. Les souvenirs d’Hélène, premier violon, de Violette, troisième violon, d’Anita, violoncelliste, puis d’autres musiciennes, lui permettent de retrouver la jeune Juive de vingt ans, perdue au cœur de l’enfer.

Le récit se déroule en deux temps entrecroisés : l’un, contemporain, est celui de l’enquête, l’autre est celui d’Auschwitz et de son inconcevable quotidien retracé par les musiciennes : les auditions dont dépend la survie, les répétitions incessantes, le départ au travail forcé au rythme des instruments, les concerts du dimanche, et Mengele pointant dans le répertoire le morceau qu’il souhaite écouter entre deux « sélections »…

Dans cet admirable dialogue par-delà la mort, en mettant ses pas dans les pas d’Elsa, Jean-Jacques tente de soulager sa mère du poids de ses souffrances cachées et d’adoucir ainsi pour lui-même les ravages d’une douloureuse mais nécessaire transmission."

Josef Mengele, après.

 

La disparition de Josef Mengele

Olivier Guez

"1949  : Josef Mengele arrive en Argentine. Caché derrière divers pseudonymes, l’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz  croit pouvoir s’inventer une nouvelle vie à Buenos Aires. L’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier les crimes nazis. Mais la traque reprend et le médecin SS doit s’enfuir au Paraguay puis au Brésil. Son errance de planque en planque, déguisé et rongé par l’angoisse, ne connaîtra plus de répit… jusqu’à sa mort mystérieuse sur une plage en 1979. 
Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet, trente ans durant  ?
La Disparition de Josef Mengele est une plongée inouïe au cœur des ténèbres. Anciens nazis, agents du Mossad, femmes cupides et dictateurs d’opérette évoluent dans un monde corrompu par le fanatisme, la realpolitik, l’argent et l’ambition. Voici l’odyssée dantesque de Josef Mengele en Amérique du Sud. Le roman-vrai de sa cavale après-guerre."