
Promenade historique et mémorielle à Châteauroux (Indre)
En chemin, sans même chercher, tous ces monuments, stèles, plaques, sont comme venus à moi.
Se promener au centre-ville, et dans le cœur historique de Châteauroux, est très agréable. La modernité sans prétention, avec aussi ses erreurs architecturales des années 60-80 (mais toutes les villes les ont subies...), côtoie le charme des vieilles bâtisses restaurées, des ruelles en pente et pavées, des rues sorties d'un Maigret, et la douceur de la nature présente partout. Le temps y est plus long qu'ailleurs.
La ville est à échelle humaine et les gens sympathiques, bien curieux ce jour de juillet de savoir pourquoi un couple descendant d'une voiture avec une plaque luxembourgeoise peut bien, juste après s'être garé au pied de la plaque "Square Charles de Gaulle", sortir immédiatement un smartphone pour photographier des plaques... C'est pourtant -au-moins- ma 50e visite castelroussine, au cœur du Berry qui m'est cher.
Chaque visite réserve ses découvertes, invite à une pause, procure ses émotions.
Promenade historique, mémorielle aujourd'hui donc.

Le Mémorial de l'Indre des Combattants morts pour la France en Afrique du nord se situe Square du Général de Gaulle-Rue Jean-Jacques Rousseau.
Des commémorations s'y déroulent chaque année. Malheureusement, je n'ai pas d'autres éléments sur sa date d'inauguration par exemple. Dans les années 2000 à 2010, très vraisemblablement.

Je me dirige vers le centre-ville par la rue Jean-Jacques Rousseau, et quitte le trottoir pour entrer dans une sorte de clairière. La première stèle qui apparaît est celle érigée en mémoire des Justes parmi les nations de l'Indre (2). Elle fut inaugurée le dimanche 17 avril 2016.
Retrouvez ici la liste des Justes parmi les nations de l'Indre.
A l'origine de cette reconnaissance et de cette stèle se trouve notamment Madame Paula Kerob, Présidente de l'Alliance France-Israël pour le
département de l'
La liste des noms de ceux qui cachèrent et sauvèrent des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est surmontée d'une œuvre émouvante, créée par Alain Kleinmann, représentant des valises et colis serrés, entassés, abandonnés. "Sur Alain Kleinmann, le romancier israélien Amos Oz a écrit que ses œuvres sont « une puissante commémoration d’un monde qui a été assassiné » et que son « travail est calme, murmuré, mais accablé de nostalgie, de compassion et de chaleur »." note Véronique Chemla. Je vous invite à lire ici le portrait qu'elle dresse de cet artiste.
Seule et sans drapeaux, dans le silence relatif du brouhaha urbain et au soleil de juillet, cette stèle est un appel à la vigilance, à la solidarité en Humanité.
Ne pas manquer les mémoires du plasticien Alain Kleinmann exhumées au musée de Châteauroux (Musée Bertrand de Châteauroux - Une merveille ) #Indre #Berry https://t.co/RPNIFaex4j
— Michèle Drechsler (@mdrechsler) 26 novembre 2017

En poursuivant à travers le square De Gaulle, vers la rue Jean-Jacques Rousseau, se découvre le monument "A la gloire de la Résistance, En souvenir des victimes et héros de la Déportation".
D'une grande sobriété, il est entouré d'un ensemble de stèles, pierres lourdes et sombres, blocs de granite, reprenant des noms de lieux de la répression et de la déportation nazies.
Auschwitz, Bergen Belsen, Birkenau, Dachau, Gross Rosen, Lublin Majdanek, Mauthausen, Natzweiler-Struthof, Neueungamme, Sachsenhausen, Mont-Valérien, ...
A l'entrée de cet espace mémorial, une stèle est dédiée aux Justes de France ; à la sortie, une stèle commémore l'Appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle.

Cet ensemble mémoriel, square, monument, stèles, plaques commémoratives, est à proximité immédiate d'une aire de jeux pour enfants. Sérénité et recueillement en contraste avec rires et cris des enfants ? Oui.
Mais surtout une remarquable mise en lumière de l'histoire et de la mémoire au temps présent. Une manière d'inciter à apprendre, à poser des questions, à connaître l'histoire.

J'approche de l'Hôtel de Ville. Et passe devant ce tulipier "Arbre des Droits de l'Enfant", inauguré en 2000, à l'entrée de la place de la République.
Tout un symbole après les lieux que je viens de traverser...

Ce Monument dédié aux victimes des deux guerres mondiales doit être regardé à 360°. Ses messages sont en lettres gravées surdimensionnées. PATRIE PAIX.
L'énorme bloc calcaire contraste avec l'attitude deux personnages à l'avant : une mère éplorée, son fils soldat.
Au pied des deux personnages, deux plaques. L'une est dédiée aux Morts pour la France en Indochine ; l'autre aux Opérations extérieures - Afghanistan.
L'engagement de nos soldats continue, aujourd'hui, partout dans le monde.

Quel contraste avec ce monument plus ancien "Aux Soldats de l'Indre morts pour la patrie, 1870-1871"
La jeune fille à son socle est d'une grande poésie.
Sur l'un des pieds du monument, on devine encore l'inscription A. Tournaire architecte. (voir galerie photo ci-dessous)
Il s'agirait donc d'une œuvre de Albert Tournaire (1862-1958), Prix de Rome Architecture (20 janvier 1889 - 31 décembre 1892), diplômé de l'Académie des Beaux Arts (1919), Architecte de l'Exposition Maritime de Bordeaux en 1907, Architecte en chef de la ville de Paris et de l'exposition coloniale de 1931.

Place de la Préfecture, devant le parc où se trouve aussi le Château Raoul, le Monument aux Morts départemental 1914-1918 et 1939-1945.
"A ses enfants morts pour la France, le département de l'Indre reconnaissante "
Pour des informations passionnantes et étayées sur les soldats de l'Indre, les stèles et monuments, consultez le blog Indre1418 et suivez-le sur Twitter.

"Bien atterri. Pris contact avec Frédéric. Frédéric m'a introduit à Henri Renan au 54, rue des Marins, Châteauroux. Renan sera ma boîte aux lettres."
"Tel est le premier message envoyé à Londres depuis la France. Son auteur est Georges Bégué, officier du Special operations executive (SOE), les services secrets britanniques. Il a été parachuté au-dessus de Vatan, le 5 mai 1941, envoyé par le Premier ministre britannique, Winston Churchill, pour préparer le Débarquement. Sa mission : établir des liaisons radio destinées à renseigner le SOE. Après un court séjour au 54, avenue des Marins, il arrive chez Max Hymans (Frédéric, dans le message), au 14, rue des Pavillons, d'où il pourra envoyer son premier message." La Nouvelle République
Comme on le lit ci-dessous, la revendication du "1er message envoyé du sol français vers Londres" est celle de nombreux réseaux de résistance.
Guillaume Pollack prépare actuellement une thèse de doctorat sur "les réseaux de résistance de la France combattante, 1940-1944", qui nous en apprendra plus.
A suivre !
Les réseaux CND, NEMROD et Johny du BCRA ( cc @R1Le_Gall ) Alliance aussi, Autogiro pour le SOE revendiquent la première liaison (entre autres). Le temps de faire le tri et de revoir la chrono...
— Guillaume P. (@profenthese) 26 novembre 2017
Les réseaux CND, NEMROD et Johny du BCRA ( cc @R1Le_Gall ) Alliance aussi, Autogiro pour le SOE revendiquent la première liaison (entre autres). Le temps de faire le tri et de revoir la chrono...
— Guillaume P. (@profenthese) 26 novembre 2017

Georges Bégué (1911-1993)
Il est né à Périgueux.
En août 1939, il est mobilisé dans le Génie-Transmissions.
En janvier 1940, il est agent de liaison, Mission française de liaison auprès de la B. E. F.
Evacué de Dunkerque en juin 1940, il s'engage comme volontaire pour missions spéciales dans le Royal Corps of Signals (armée britannique) en août 1940.
En mai 1941, Georges Bégué fait des missions en France où il organise des transmissions par radio avec Londres (SOE.-War Office). [SOE Autogiro, NDLR]
Arrêté à Marseille en 1941, il est emprisonné à Périgueux puis au camp de Mauzac.
Evadé de Mauzac en 1942, il est interné en Espagne d'août à octobre.
1942-1944: chef des transmissions de la section "F", Special Forces H. Q. SHAEF, Londres.
De septembre à octobre 1944, il est commandant des transmissions de l'EMFFI à Londres et en décembre 1944 représentant des Services techniques de la D. G. E. R., à Londres.
En août 1946 : chef du cabinet du directeur de la Navigation Aérienne S. G. A. C. C. à Paris.
Octobre 1948 à 1949 : représentant du S. G. A. C. C. à Washington.
Georges Bégué fut ingénieur conseil (télécommunications), Atlantic Research Corporation, à Washington.
Source : ICARE - "Icare - Revue de l'aviation française - SALON 1971" Tribute Issue for Max Hymans


En 1971, Georges Bégué raconte :
"Il y a maintenant 30 ans...
Pour nos jeunes, lorsque ceux qui les vécurent ne pourront plus leur en conter les plus marquants détails, l'histoire de notre pays décrira les sombres années de 1940 à 1944.
Juin 1940. "La France a perdu une bataille...".
L'ignoble Montoire ajoute sa honte au dépit cinglant de Retondes. On nous assure que nous sommes battus, que la patrie des hommes de Verdun peut capituler dans l'honneur. Sur le pays s'étend une ombre. Penser, autant que respirer, est devenu pénible. Et pour certains, pense sensément est simplement impossible sans une lueur d'espoir.
"... Mais elle n'a pas perdu la guerre!"
Dans l'ombre, des mains se cherchent. Des petits groupes se réunissent. On parle à voix basse. Mais une poignée d'hommes, ici et là, sans moyens, ne peut guère agir là où une armée serait nécessaire. De l'intérieur, des appels à peine audibles - ils font penser aux coups venant d'une équipe de mineurs en péril - parviennent à ceux de nous demeurés sous les armes, donc libres, à l'extérieur. Entre ceux-ci et ceux-là, il devenait vital qu'un lien se tisse.
Mars 1941.
A Londres, déjà, par des votes forcément détournés, plusieurs de ces appels étaient parvenus. L'un d'eux, tout aussi discret, aussi fervent bien sûr, mais plus impatiemment attendu parce qu'il était plus précis, plus complet, plus ferme aussi, de l'opinion de ceux qui le recevaient. En un mot, plus sommatoire!
A Valençay, Max Hymans attendait...
Lune de mai 1941.
Un Whitley me lâche doucement dans un sillon de terre berrichonne. Le lendemain, je frappe à la porte du jardin attenant à la maison du maire de Valençay. Assis à son bureau, Max Hymans écoute mon histoire. Durant plusieurs minutes, c'est surtout moi qui parle. Sagement, mon hôte feint la surprise amusée: "Intéressante votre histoire, mais au fond, qui me prouve que vous arrivez de Londres? - ... Eh bien ... mon parachute enterré près de Vatan... - Des parachutes, on en a vus plusieurs ces derniers mois..."
Et ainsi de suite pendant plusieurs autres minutes, longues pour moi. Le comique de la situation est que nous nous méfions réciproquement l'un de l'autre. Je sois moi-même m'assurer du fait que c'est bien à Max Hymans, ancien député, auteur du message, et Français cent pour cent, que parle. Heureusement, mon "briefing", avant mon départ, a été complet sur ce point et, pour mon compte, je sais maintenant à qui je parle : Hymans, Max, paraît trente-cinq ans, cheveux et sourcils noirs, le ton de la voix cendré parfois, mais qui éclate soudain. Centralien, tour à tour enthousiaste puis sceptique. Remarques d'apparence juvénile immédiatement suivies des arguments les plus portants, les plus justes, irréfutables parce que dénués du moindre orgueil, dépouillés d'intérêt personnel.
Ma vérification d'identité terminée, je n'ai plus qu'à mettre cartes sur table. Je récite à Max Hymans la réponse de Londres à son message du début d'année. Enfin, c'est à son tour de laisser tomber le masque et de me poser mille questions. Je lui apporte un réponse, des renseignements frais, des instructions, mais aussi un dilemne : "Mais... les Anglais, comprennent-ils que?... Et le Général?..." Il veut tout savoir.
Nous causons tard cette nuit-là. Nous aurons beaucoup à faire dès le matin. Grâce à son appui, à son conseil avisé aussi, notre travail démarre en flèche. Trois jours après, le contact par code avec Londres est établi. Le "réseau" se monte. La semaine qui suit, Lucas "descend" à Loches, contacte son frère Lionel à Limoges, puis file sur Paris. Les message chiffrés échangés avec Londres se font plus longs, plus nombreux. La R. A. F. prépare plusieurs opérations. Max (pseudo Frédéric) et moi allons reconnaître plusieurs terrains possible, qu'il connait déjà comme s'il était chez lui.
Août 1941.
Nous sommes prêts. Trois nuits de suite, nous montons la garde en bordure d'un terrain isolé. Mais le temps est inclément. Rien ne se passe. Deux lunes plus tard, nous mettrons en usage les "messages personnels" de la B. B. C.
Septembre.
La météo est bonne. Coup sur coup, c'est Issoudun (le premier "Lysander" qui dépose Morel et emporte de Guelis), puis Tendu, tout près d'Argenton-sur-Creuse. (Deux "sticks" de trois hommes). Cette réussite nous énivre un peu, et nous effraie. Tout ceci a déjà fait trop de bruit autour de Châteauroux. Assis dans un fourré en lisière d'un nouveau terrain, Frédéric et moi méditons en attendant que son gazo reprenne souffle. Il va falloir décentraliser, former des équipes qui permettront d'opérer plus au large. Sages résolutions, qui viennent trop tard, hélas.
Fin septembre.
Max Hymans apprend qu'une de mes "boîtes aux lettres" vient de sauter avec l'arrestation de Fleuret. Sans souci pour sa propre sécurité, il me fait prévenir aussitôt. Je peux prendre le large à temps, mais un mois plus tard , c'est la souricière de Marseille. Sa demeure de Valençay constamment surveillée par la Sécurité, Max Hymans est contraint de vivre en exil. A Marseille, c'est un autre Frédéric qui sera appréhendé et tassé de questions.
Finalement, l'inactivité lui pesant: il gagne l'Angleterre par l'Espagne et le purgatoire de Miranda. Trois mois après, ceux de Mauzac retraceront ses pas.
Peu d'entre ceux qui firent équipe en 1941 connurent la libération de 1944. Et depuis, d'autres encore nous ont quittés. La nation, rendue à la paix, il n'oubliait jamais ceux qui servirent sans uniforme à son côté. Il s'inquiétait toujours d'eux, de leurs veuves et de leurs orphelins. Il tiendrait, je le sais, à ce que leurs noms figurent dans ces quelques lignes. Ceux de l'Indre : Chantraine, Boivin, Renan, Fleuret, Parpais, Rapoport, d'autres encore, car l'Indre suivit l'exemple et fonctionna jusqu'à la fin. A Valençay... alors que tout semblait perdu... Max Hymans attendait."
Georges Bégué

État civil : Georges Pierre André Bégué
Comme agent du SOE, section F :
Nom à l'inscription : George Robert Noble
Nom de guerre SOE (field name) : « Georges ». À sa suite, le nom de « Georges » fut utilisé pour désigner les opérateurs radio, avec un numéro ; lui-même, étant le premier, fut surnommé « Georges I ».
Nom de code opérationnel : BOMBPROOF
Fausse identité : Georges Robert Mercier, né le 1er novembre 1911 à Angers1 ; Gaston René Martin, né le 22 novembre 1911 à Armentières2.
Parcours militaire :
France : caporal chef (1939) ; sergent
Royaume-Uni : captain ; matricule : P/18572
Dossier personnel « Georges Bégué », SHD, Vincennes, cote GR 16P 43417.
Dossier personnel « Georges Bégué », National Archives, Kew, ref. HS 9/115/2.
Source : Wikipedia
Un site est dédié à Georges Bégué, agent du SOE Cliquez ici.
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Ce ne sont que quelques-uns des lieux de la mémoire au cœur de la ville, venus à moi au gré des pas.
D'autres lieux sont à découvrir ici Synthèse des relevés - Châteauroux (36 - Indre) et là Châteauroux
36000 (Indre) par exemple.