
« Les mots aussi sont des demeures.
Il faut les rendre habitables, les restaurer dans leur splendeur première, imposer leur innocence sans prix.
Des demeures pour tout le monde, avec ce terrible loyer que nous payons en misère, en combats de toute sorte, en mensonge. (…) Elle a coûté cher sur certaines lèvres têtues, cette joie par les mots. »
Jean CAYROL (1911-2005)
Les mots aussi sont des demeures, 1952.
Résistant, déporté à Mauthausen-Gusen,
il est l'auteur du commentaire du film Nuit et Brouillard, réalisé par Alain RESNAIS
«Die Sprache ist eine Waffe» (la langue est une arme), écrivait récemment le linguiste allemand Wolf SCHNEIDER en introduction d'un supplément de Die Zeit[1], reprenant ainsi les propos de Kurt TUCHOLSKY, décédé en 1935. Et de poursuivre : «Was wir hören, was wir lesen, wie wir sprechen, wie wir schreiben: Nichts formt uns und bewegt uns, nichts bereichert uns mehr, nichts prägt unsere Rolle unter den Menschen stärker als unser Umgang mit der Sprache .»[2]
A 70 ans d'intervalle, ces deux écrivains, essayistes, -journaliste pour le plus ancien, inspirateur de générations de journalistes pour l'autre-, rapportent le même rapport essentiel à la langue, véhicule de savoirs, de sentiments, d'opinions et d'idées.
A l'instar de Victor KLEMPERER auquel j'ai eu l'occasion de consacrer une exposition en 2009[3], Kurt TUCHOLSKY s'était inquiété de l'évolution de l'Allemagne au début des années Trente. Juif, exilé en Suède depuis 1926, il est bientôt déchu de la nationalité allemande, et ses écrits mis au feu. Il essaie en vain d'obtenir la nationalité française parce qu'il ne se «retrouve» plus dans l'Allemagne nazie. Il aime sa langue et la sait détournée. Il se suicide en 1935.
Resté en Allemagne, privé de son objet de recherche (la langue et la pensée françaises au XVIIIe siècle), on le sait, KLEMPERER choisit quant à lui de s'accrocher aux seuls mots qui lui restent accessibles, ceux d'une langue allemande qu'il ne reconnaît plus. Parce que lui aussi aime sa vraie langue maternelle, l'outil langue comme moyen d'expression libre, et parce qu'il sait son propre équilibre dans l'étude coûte que coûte –penser pour ne pas tomber- KLEMPERER s'attache à analyser et dénoncer les mensonges d'une langue allemande à la «sauce brune» (l'expression est de lui) qui masque, abime, formate ou interdit les pensées.
Essayons donc avec eux et avec d'autres de leurs contemporains allemands ou nés en Allemagne, de dépasser la seule grammaire de la langue, sa syntaxe, pour explorer ce que signifie et ce qu'induit la prise en otage d'une langue et le démantèlement de la culture.
Le projet de propagande nazi dépasse largement l'appropriation d'une langue en même temps qu'il en fait l' «incarnation» de l'idéologie nazie autant que son relais principal.
La langue est au cœur de la culture comme système, touché ici dans toutes ses dimensions pour n'être plus que et exclusivement culture aryenne.
Les lois de Nuremberg, trois séries de textes adoptés en 1935 (sur le drapeau, sur la citoyenneté et sur la «protection du sang et de l'honneur allemand») en même temps qu'elles excluent et condamnent tout «ce» qui est considéré comme impur et indigne de la race aryenne et de son espace vital, laissent apparaître en creux de tout ce qui est considéré comme aryen. Ces lois antisémites nous permettent de lire tous les domaines qui seront exclusivement réservés aux aryens, exclusivement réservés à la définition et à l'usage qu'en feront les nazis au nom d'une «race aryenne pure».
Rapportons cette réflexion de José MAILHOT au miroir du projet nazi :
«L'aspect de la causalité entre langue et culture a aussi été envisagé. Est-ce la langue qui influence la culture ou est-ce la culture qui influence la langue? A cela, Boas[4] répond que la forme de la langue est influencée par un certain état de la culture, alors que Whorf met l'accent sur l'aspect limitatif de la langue qui façonne l'expérience. Nous considérons maintenant que c'est mal considérer le problème que de le poser en termes de causalité, puisqu'il est admis que ni la langue ni la culture n'est donnée en premier, que les deux sont des phénomènes concomitants et qu'ils s'influencent mutuellement. Nous sommes plutôt à la recherche de corrélations pouvant exister entre les deux qu'à la recherche d'une influence unilatérale.»[5]
Si, dans un régime démocratique, l'évolution de la langue, les influences et confluences sur la culture, sont à la fois le résultat de processus longs et de pratiques aux racines lointaines, et de fulgurances, de consensus opérant entre tous autour de nouveaux usages et de nouveaux mots, avec l'allemand de l'Allemagne nazie, il ne s'agit pas de respecter cette évolution plus ou moins «naturelle», plus ou moins volontaire, des mots et de leur agencement.
Nous sommes là assurément à la fois dans les deux appréciations soulignées par MAILHOT (causalité et corrélation concomitante), tant la culture fut envahie dans toutes ses dimensions, investie pour servir l'idéologie (idées, programme, mise en œuvre) et tant la langue en apparaît, dans toutes les dimensions de la culture, comme le héraut propre à porter, à couvert, l'ensemble de cette entreprise d'engloutissement et de métamorphoses[6].
Les idéologies totalitaires, englobantes et globalisantes, ont usé, au service de l'imprégnation et du modelage des esprits, d'outils ayant pour but ultime d'annihiler jusqu'aux paradoxes qui sont notre essence humaine : la rencontre, parfois fructueuse, parfois conflictuelle, entre pensée et création. En fermant hermétiquement les mécanismes de pensée et de réflexion, les nazis ont souhaité fermer les processus de création, allant de la création mentale (le rêve, les images mentales, les émotions) à leur matérialisation artistique (peinture, roman, partition de musique…).
En matraquant les mots, par écrit, avec une typographie choisie, à l'oral, à travers les discours, en emplissant le quotidien de chacun de signes et de rappels en tous sens, les nazis ont même cherché à tuer le silence, à étouffer la possibilité de réflexion, l'instant de création.
KLEMPERER souligne d'ailleurs à plusieurs reprises les liens entre la langue écrite et la langue parlée (hurlée..), au delà, aux signes et images auxquelles elles renvoient. Au sujet des guillemets, par exemple : «Ils appartiennent à la LTI imprimée comme à l'intonation [c'est moi qui souligne] de Hitler et de Goebbels, ils lui sont consubstantiels.»[7] Plus loin, il s'intéresse aux effets observables de la propagande, ou comment un mot (Chip'charbon) traduit en une image (un certain bonhomme à l'allure improbable) finissent par être associés automatiquement l'un à l'autre par les ouvriers (population cible de la campagne) au point que des jeunes hommes se font les reflets (les copies incarnées) de l'image de l'affiche. Ces copies incarnées sont finalement surnommées du mot auquel leur apparence renvoie… parfaite réussite d'appropriation du discours et des concepts par la population [8].
L'expression –verbale, écrite, artistique, philosophique-, s'est trouvée muselée par un vocabulaire, une syntaxe et des signes, plus souvent détournés que nouveaux, bientôt reproduits en nombre (on entend toujours les mêmes mots, on voit toujours les mêmes signes), -ce qui participe du processus d'imprégnation-, puis déclinés en modes : énoncés et discours, gestes picturaux et architecturaux, gestes corporels. Le tout solidement arrimé à la condamnation et à la punition de tout contrevenant aux principes et à leurs expressions : «la LTI était une langue carcérale (celle des surveillants et celle des détenus)»[9]
La réaction attendue face à ce projet global d'aryanisation par la culture et la langue est d'abord l'adhésion pour permettre l'action au service des nazis.
Le visible et l'audible nazis étaient destinés à instiller une pensée et cacher la vérité ; il y eut adhésion, passée parfois par l'envoûtement (il n'est qu'à regarder certaines photographies d'Allemands au regard fasciné pour le Führer), il y eut aussi anesthésie, il y eut aussi mutisme, il y eut aussi résistance. Sous le couvercle, pour reprendre la métaphore de l'étouffement, apèrent des cris et des lumières. Une résistance et une conscience.
Contemporaines de Victor KLEMPERER, d'autres voix se sont donc exprimées des années 20… à nos jours
Une étude comparative systématique de toutes les plumes et voix s'exprimant comme Victor KLEMPERER pour non seulement dénoncer le nazisme, mais surtout l'instrumentalisation de la langue, de la culture, de la pensée enfin, au service d'une entreprise de mort spirituelle et réelle de l'homme libre, reste à faire.
Selon le lieu (de l'œil du cyclone aux lointaines Amériques), l'époque, le milieu social et la religion de l'observateur, l'analyse peut en être différente (mais jamais contraire), avoir des résonances particulières, surtout complémentaires. Il serait de même intéressant de dessiner une cartographie des liens : qui connaissait qui, ou pas, parmi ces voix de résistance, s'exprimant librement ou clandestinement. Ils ont écrit ou parlé pour ceux qui ne pouvaient pas le faire, soit qu'ils soient aveuglés, anesthésiés, soit qu'ils soient –parfois définitivement- empêchés de parler.
Tous ne s'attachent pas de manière aussi précise, -comme le philologue qu'était KLEMPERER- à décortiquer la langue nazie, leur résistance se situe plutôt en opposition frontale à la propagande nazie[10], comme les quelques personnages, parmi nombre d'autres!, cités ci-dessous.
Au cœur du cyclone, il s'agit de :
- dénoncer par écrit, de manière claire et précise, dans un allemand de haute tenue –comme un défi-, le projet et les actes nazis en 1933 (Karl KRAUS) ;
- scruter comment la propagande langagière et imagière instille un venin jusque dans l'inconscient pour envahir les rêves, dont on peut faire une bibliothèque dans les années 30 (Charlotte BERADT).
En exil, il s'agit de :
- tout au long des années 30 et 40, en complément d'une activité littéraire, publier des articles et donner des conférences pour sans cesse alerter le monde, dénoncer la mort de la culture en Allemagne et interpeller les intellectuels (Klaus MANN) ;
- dans les années 40, être déchiré entre deux langues, ne plus reconnaître sa langue maternelle (l'allemand) et ne pas être encore «soi» dans sa langue d'adoption, le français (Georges Arthur GOLDSCHMITT).
Karl KRAUS : 1933, cinq mois en apnée.
Journaliste et polémiste allemand d'extrême gauche, Karl KRAUS crée le journal Die Fackel (Le Flambeau) en 1899, dont il est le seul rédacteur à partir de 1911. Sa Troisième nuit de Walpurgis[11] est un «pavé» écrit à chaud de mai à septembre 1933. Comme KLEMPERER, il est avant tout observateur et lecteur. En 1933, KRAUS «parle donc longuement des préparatifs de guerre de l'Allemagne nazie, de ses visées expansionnistes, de l'antisémitisme affiché et brutal, de la structure préfasciste de la société allemande, des camps de concentration (le premier, Oranienburg, a été ouvert en février 1933, suivi par celui de Dachau, en mars de la même année), des tortures, des exécutions sommaires, des sévices perpétrés contre les femmes accusées de «se commettre» avec les Juifs, de la «détention préventive» comme incarcération arbitraire et sans jugement permettant de mettre rapidement les opposant à l'écart. (…) Comment prétendre alors qu'il était impossible de savoir…«Ces millions de gens qui ont tout sous les yeux et qui ne remarquent rien»… La seule explication pour KRAUS est qu'on ne voulait pas savoir (…).»[12]
Nous sommes donc ici aux prémices et déjà «tout» est là. Son traducteur souligne aussi la construction magistrale de KRAUS, tout en allusions, références, tournures syntaxiques complexes. Un travail de Titan pour le traducteur, qui insiste :
«Cette concentration sur la langue n'est pas un jeu gratuit de virtuose mais le moyen choisi par Kraus pour la soustraire à l'emprise nazie et de débouter ceux qui la manipulent pour pervertir et falsifier la pensée Cette approche de la montée du nazisme est certes fragmentaire et ne peut rendre compte à elle seule de toute l'ampleur du phénomène, mais elle est fondamentale. Au moment où Kraus commence sa Troisième nuit, toute la langue n'est pas encore contaminée, «alors que s'éveille une nation et se dresse une dictature qui, aujourd'hui, maîtrise tout à l'exception de la langue», et c'est la confrontation d'une langue architecturée [celle de Kraus] avec une langue désarticulée, d'une langue saine avec une langue malade (…) qui fait le corps de ce texte.
La langue est pour Kraus le lieu de la justice. Ce n'est donc pas un hasard si ces cibles privilégiées sont les professionnels de la manipulation des mots – principaux responsables de la diffusion d'une réalité déformée : les intellectuels. (…) [Kraus] mettait au-dessus de tous trois groupes de responsables : les journalistes et les écrivains, les leaders politiques (notamment ceux de la social-démocratie) et le chef de la propagande nazie, l' «intelligent Goebbels».»[13]
En 1933, on conçoit aisément que tout ne puisse être écrit ou décrypté d'un processus de transformation de la langue et de ses pratiques. KRAUS ne pourrait, comme KLEMPERER, proposer une analyse de la langue comme vision du monde. (C'est d'ailleurs l'une des forces du travail de fourmi de KLEMPERER qui, au fil de son journal, note chaque événement ayant trait à la langue nazie sur de nombreuses années.) Mais les constats et les intuitions, parfois prévisions, de KRAUS sont très instructifs, non seulement sur son analyse de l'actualité allemande, mais de ce qu'il pense être la manière dont le monde la voit : «Le monde est sens dessus dessous. S'il a accepté les actes qui ont été commis depuis six mois, c'est sans doute à mettre au compte d'une paralysie motivée par l'effroi. Mais comment passer outre aux mots sans avoir des maux de tête ?» [14].
Et plus loin :
«Mais on pourrait croire qu'une majorité d'Allemands, qui est faite de créatures de Dieu [sic], éprouvent un malaise à entendre ces grandes gueules par nature auxquelles elle est livrée; on pourrait espérer que le développement des possibilités acoustiques de la radio et les possibilités optiques d'une presse illustrée leur inculque la conscience de l'absurde à laquelle est maintenant soumise leur existence culturelle. Les Allemands ne se rendent-ils pas compte – car les autres s'en rendent compte – non seulement qu'aucune nation ne se réfère aussi souvent qu'elle au fait qu'elle en est une mais que le reste du monde n'emploie pas aussi souvent en une année le terme de «sang» que ne le font les radios et les journaux allemands en une journée?»[15]
Karl KRAUS, s'il avait poursuivi, serait certainement parvenu aux mêmes constats que KLEMPERER, poussant à un niveau d'analyse probablement supérieur.[16]
Charlotte BERADT, Der Alptraum
Charlotte BERADT est née en 1901. Résidant à Berlin au moment de l'accession d'Hitler au pouvoir, elle entame une étrange collecte… la collecte des rêves. Elle s'y emploie jusqu'en 1939, au moment où elle quitte l'Allemagne pour l'Angleterre puis les Etats-Unis. Elle rend compte de son projet dans un premier article en 1943, mais ne publie le résultat de son «enquête», qu'en 1966. Hélas! méconnue en France, sa démarche et son engagement de la première heure contre le nazisme en font une figure singulière, permettant une approche inédite de l'instillation du venin nazi dans les têtes… Comme le précise sa préfacière, «… c'est d'abord un acte de résistance susceptible de tomber sous le coup de ce que les nazis appelaient «contes atroces» (Greuelmärchen), la propagande hostile supposée répandre des récits d'atrocités pour jeter le discrédit sur le régime. «Ce que j'ai fait, écrira-t-elle plus tard, je l'ai fait en tant qu'opposante politique, non en tant que Juive récemment désignée comme telle.». »[17]
Comme KLEMPERER ou KRAUS, Charlotte BERADT est attachée à sa langue maternelle. Elle le montre dans son livre Rêver sous le IIIe Reich (titre original : Das Dritte Reich des Traums), mais également dans sa volonté de faire publier dans leur langue, l'allemand, et en Allemagne, les écrits de son mari décédé; ou encore, en acceptant de traduire en allemand The Human Condition de Hannah ARENDT, qui était son amie.
KLEMPERER a, au fil des pages et des jours, explicité l'imprégnation collective – moyens, enjeux, réception, réaction, atonie, etc.- de la langue brune, participant d'un projection d'uniformisation de la culture par destruction ou dénégation du non aryen et de pans entiers de l'histoire. Ce projet atteint aussi les inconscients individuels. Pour apporter la preuve de ce qu'elle pressentait en évoquant ses propres rêves, impressions, elle s'emploie à décortiquer au moins 300 rêves[18].
Cette démarche permet de ranger les rêves dans trois grandes catégories (avec des sous-catégories), faisant ressortir, à l'instar de KLEMPERER et avec de nombreux points de convergence, trois types de «réactions» à l'imposition d'une idéologie à l'ensemble des domaines de la vie, à cette «vie sans murs» ainsi qu'elle appelle la vie sous la botte nazie, privée de toute sphère … privée : ils deviennent soit des machines à broyer les pensées personnelles et à les embrigader : les «résidus» de vie diurne agissent nuitamment ; soit des exutoires d'une opposition que l'on ne peut exprimer librement le jour, ; soit enfin des «lieux spirituels», une Résistance psychique[19], avec toujours la crainte qu'ils ne soient connus un jour, du bourreau
Elle place enfin à part les «rêves de Juifs», ce que l'on comprend aisément, qui «racontent, souvent , la destruction des bases sur lesquelles a reposé toute une vie.» Elle souligne aussi : «Dans ces rêves d'angoisse et de défense projetés dans l'avenir un nouveau motif s'ajoute souvent avec de nombreuses variantes : l'angoisse de perdre la langue maternelle [l'allemand]. (…) La poésie et la chanson allemandes hantent souvent ces rêves de nostalgie d'une patrie perdue où l'on se trouve encore.» [20]
L'analyse suivante permet aussi de capter les convergences entre les travaux de ceux qui ont traité langue et propagande nazies, et Charlotte BERADT qui en trouve donc la traduction nocturne :
«La propagande constitue une partie autonome du monde totalitaire ; et le régime hitlérien a été le premier système totalitaire qui, pour influencer l'opinion, a pu utiliser à fond ces moyens techniques, tout comme ses fonctionnaires. (…) Au fil du temps l'effet propre des moyens de propagande alla aussi loin qu'il le devait : dans les rêves, haut-parleurs, banderoles, affiches, gros titres, tout l'arsenal du monopole de l'information (…) occupaient fréquemment le rôle principal (…).»[21]
Les dernières lignes de son livre ont, soit dit en passant, un écho certain dans nos sociétés si promptes à abandonner le je à la claque ou au pilori de followers virtuels du World Wild Web, la toile d'araignée mondiale :
«C'est aussi la leçon de toutes les fables politiques rêvées sous le Troisième Reich, qui ne contiennent pas seulement comme toute fable des enseignements mais aussi des avertissements : que les manifestations du totalitarisme doivent être reconnues (…) avant qu'on n'ait plus le droit de dire «je» mais seulement d'être obligé de parler de telle façon qu'on ne se comprend plus soi-même ; avant que ne commence la «vie sans murs».»[22]
Klaus MANN : dénoncer sans relâche
«La liberté de parole est en train de devenir rapidement en Europe une question problématique. Mesdames et Messieurs, vous pouvez être fiers et heureux de posséder ce droit. (…) Je parle de l'Allemagne et je vais vous demander la permission de continuer en allemand. C'est ma langue, même un Hitler n'arrivera pas à me la voler.» écrit Klaus MANN en 1936. [23]
L'œuvre littéraire de Klaus MANN est dense, en rapport direct avec son temps, -je recommanderais en particulier la lecture du Tournant (autobiographique) et du Volcan- tout autant que ses articles, conférences, lettres destinées à interpeller le monde. En ce sens, c'est un homme politique, un homme de la cité et de ses préoccupations. Comme Charlotte BERADT, c'est un opposant au nazisme de la première heure. Bien qu'il ne soit pas juif, il se sait menacé dans son expression s'il reste en Allemagne après 1933 : il est une plume publique connue pour ses prises de position antifascistes depuis les années 20. Fils de Thomas MANN, le grand écrivain, neveu de Heinrich MANN, le francophile, et frère de Erika MANN qui prend part à ses côtés à la dénonciation du nazisme depuis les Etats-Unis, Klaus MANN fait preuve d'une lucidité peu commune en son temps.
Il tente de 1933 à 1935 de réunir les meilleures plumes et pensées «antifascistes» dans sa revue Die Sammlung, publiée à Amsterdam. Puis il part pour les Etats-Unis qui lui servent de tribune. Une sélection de ses articles et tapuscrits de conférences –dont certains n'avaient jamais été publiés avant les années 90 (en Allemagne)- ont été rassemblés en français sous le titre Contre la barbarie en 2009. Mieux vaut tard…et l'on ne saurait recommander assez de se plonger dans ce tourbillon d'érudition et de lucidité, au style alerte et percutant souvent.
S'il se «trompe» parfois dans les années 33-34 sur la fin prochaine du régime hitlérien (c'est plutôt un espoir qu'il exprime) il ne se trompe ni en le sentant arriver au pouvoir, ni dans les objectifs qu'il poursuit ensuite. Ainsi, MANN demande d'abord à qui le peut de dénoncer, puis s'inquiète de la mort de la culture en Allemagne, avant de soumettre ses contemporains, intellectuels en exil –les voix de la Résistance- et intellectuels en Allemagne (toutes opinions confondues) à un examen de conscience sur leur(s) responsabilité(s) dans le désastre. En toile de fond, une profonde inquiétude sur l'avenir de la jeunesse.
Ces quelques extraits résument trop et ne sont que le résultat d'une sélection contrainte par l'exercice, tant l'ensemble est intéressant de bout en bout :
«Ceux [des intellectuels allemands] qui ont résisté et tenu bon constituent une belle minorité, ceux qui ont failli une écrasante majorité. (…) Car à quoi bon nous raconter des histoires : c'est une grave, très grave déroute de l'esprit allemand que nous avons à déplorer. On attendait un cri de protestation contre la violence qui lui est faite – et contre l'avilissement permanent de la nation : ce cri ne s'est pas fait entendre. (…) L'esprit allemand est resté muet – ou c'est tout comme-, puisque le peuple allemand a bénéficié des bienfaits des camps de concentration, des lois raciales et d'un réarmement frénétique. L'esprit allemand a fait acte d'allégeance envers le «Führer» - personne n'a oublié ce premier télégramme de 88 écrivains qui se sont mis «inconditionnellement» à la disposition de Hitler et qui lui ont prêté avec exaltation serment de fidélité –que personne ne leur avait demandé. (…)
Avec l'avènement du Troisième Reich, les musiciens, par exemple, se sont dit – pour autant qu'ils n'étaient pas juifs, ou, selon le terme technique, de souche juive : en quoi cela nous concerne-t-il? Nous pourrons toujours continuer notre musique, même sous Hitler. Seul un très petit nombre de musiciens dit «aryens» comprirent que ce qui se préparait sous le nom de «national-socialisme» allait les affecter eux aussi, puisque cela mettait en danger et en question la vie culturelle allemande. (…)
Mais notre malheureux pays, comment s'en relèvera-t-il? (…) La seule chose que nous devons faire, c'est de continuer à travailler : c'est de préserver les valeurs et les hautes idées que les nazis veulent étouffer (…) Les intellectuels allemands ont-ils failli? (…) La réponse ultime est réservée aux générations futures. »[24]
Enfin,
«Quand on aime la paix, on ne va pas assister à des festivités sportives de propagande dans un pays où tous ceux qui ne pensent pas comme la clique au pouvoir sont réduits au silence, proscrits ou assassinés. Tout Européen qui se respecte devrait boycotter le spectacle publicitaire monstre organisé par le Troisième Reich – les jeux Olympiques. Au lieu de quoi, princesses, champions et journalistes se retrouvent à Garmisch-Partenkirchen dans la tribune d'honneur d'un «Führer» aux mains dégoulinantes de sang. Ces mondanités irresponsables et macabres sont terriblement contraires à l'esprit de la paix...»[25]
Georges-Arthur GOLDSCHMIDT, «Le Poing dans la bouche»
Voyons enfin le dilemme intime de G.-A. GOLDSCHMIDT. Il nous ramène sur les rivages explorés par KLEMPERER.
«L'aventure de la langue» pour reprendre la belle allégorie de Jean-Claude MILNER pour signifier qu'une langue est vivante, s'est arrêtée en 1933 en Allemagne. Il est peut-être même excessivement pessimiste : «Fondamentalement, la langue allemande ne s'est pas encore remise d'avoir été la langue du IIIe Reich.»[26]
C'est ce qu'exprime G.-A. GOLDSCHMIDT au fil de ses livres, -autobiographies, essais[27]. Mais il va au-delà : il a apprivoisé le français pour se consoler de la perte de sa langue maternelle à cause des nazis, avant de la reconquérir et même, de réconcilier ses langues en se faisant traducteur.
«Or, tout arriva en même temps, ce même jour d’octobre 1943 fut celui aussi d’un double accès à l’écriture. Au lieu de me donner, comme de coutume, à copier deux cents fois : « Je dois apprendre à ne pas bavarder en classe » ou « Je vais recevoir la fessée parce que je suis un paresseux », on se mit en tête de me faire copier « Le distrait », extrait des Caractères de La Bruyère. C’était la première fois que j’écrivais du français de cette façon-là. (…) Sous les phrases parfaites de La Bruyère se profilait, malgré moi, cette langue allemande. Elle était là, bloc d’effroi et de terreur, comme si on avait supplié jusqu’aux arbres de prendre votre place ; jusqu’aux clôtures de jardin qu’on enviait de ne pas être vous. Les uniformes brun-jaune avec le baudrier oblique du parti nazi, le NSDAP : l’épicier, le marchand de charbon, l’instituteur, tous ces gens qu’on connaissait et redoutait, raides, bottés, en rangs, qui défilaient dans les rues du village en brandissant le drapeau à croix gammée.» [28]
G.A. GOLDSCHMIDT est né en 1928 dans une famille d'origine juive convertie au protestantisme. Il fuit l'Allemagne nazie en 1938. Ecrivain français (depuis 1949), il a choisi sa langue d'adoption comme langue de refuge et d'épanouissement. Amoureux de sa langue maternelle, il est le traducteur de KAFKA, de HANDKE, … Il rapporte ses souvenirs bien après qu'il n'ait vécu les événements. Son exil est non seulement réel, comme il le raconte, mais temporel : sans cesse il revient, depuis des dizaines d'années –comme la vague sur le sable- sur cette profonde rupture que représente pour lui le Troisième Reich dans la pratique linguistique allemande.
Son double attachement aux langues allemande et française, cette qualité de traducteur –et tout ce que signifie «traduire»- font de G.-A. GOLDSCHMIDT un observateur privilégié des usages et mésusages des langues. Il a traversé le siècle et les circonvolutions de la langue allemande, son amour et sa détestation, sa reconstruction et son difficile retour au «normal» et à l'universel, propre des langues (n'importe qui peut (-a le droit de, si tant est qu'il l'apprend) parler n'importe quelle langue).
Son A l'insu de Babel est une lumineuse traversée à travers laquelle il tente d' «expliquer» ses langues. Même s'il leur reconnaît toujours une part de mystère, un en-soi insondable. Il raconte les langues française et allemande dans toutes leurs dimensions et usages à travers l'Histoire. Ici aussi, l'extrait pour aller, je le souhaite, vers l'œuvre complète :
«Leibniz avait déjà décrit l'allemand comme essentiellement pratique et propre à la description matérielle, une langue d'artisan (...). (…)
On sait que l'allemand fut défiguré, démantelé, détruit à jamais par le nazisme qui en moins de cinq ans, entre 1934 et 1939 parvint sans encombre à détourner une langue d'elle-même pour en faire un instrument de domestication et de meurtre. Victor KLEMPERER a magnifiquement décrit cette entreprise d'anéantissement linguistique (…). L'allemand fut littéralement interdit de parole. (…)…le nazisme détruisit de fond en comble l'armature morale de la langue allemande pour la transformer en un jargon d'obéissance et d'adhésion absolue. La langue nazie a consisté à faire prendre les mots pour les choses, il y eut un véritable détournement de l'imaginaire à des fins meurtrières.»[29]
Le fait que G.-A. GOLDSCHMIDT continue de nous parler de ce gouffre moral qu'a constitué en soi l'anéantissement d'une langue sous un régime totalitaire me semble une véritable source de vigilance face aux dérives modernes de dépersonnalisation de l'apparence et des pensées, et de dématérialisation à outrance du lien entre les «locuteurs», paradoxalement l'individualisme galopant, comme une carapace à la réalité. D'ailleurs, n'écrit-il pas :
« Le langage de l'homme s'exprime par toutes les langues, qui, chacune renvoient l'une à l'autre, sans s'épuiser. Toutes, à force de passé, portent le futur.[c'est moi qui souligne]. (…)
Le vingtième siècle européen dans son essence même, fut, on le sait, celui des «purifications» : les génocides, guerres, persécutions de toute sorte, exterminations de populations entières se succédèrent et des langues même en furent compromises. Jamais des régimes politiques meurtriers, tels le nazisme ou le stalinisme, ne s'en prirent autant aux langues qu'ils tentèrent de régimenter, de violer, d'annexer. Le cauchemar de la «novlangue» de George ORWELL n'a pas par hasard été rêvé au XXe siècle. (…) Les langues se prêtent aux manipulations par les publicités ou les divers jargons, ainsi le français par la LQI, la Lingua Quintae Respublicae [30], la langue de la propagande technocratique et administrative contemporaine.» [31]
***
G.-A. GOLDSCHMIDT nous ouvre une nouvelle porte. Celle des voix non allemandes qui ont observé, analysé, dénoncé les mêmes détournements à des fins meurtrières d'une langue et d'une culture.
Au-delà, il nous invite à appréhender avec conscience le domaine de la fiction –romans, nouvelles- sur les mondes totalitaires ou les contrées déshumanisées. Ce ne sont pas que fictions. Prémonitions? Elles sont le plus souvent les traces d'un vécu de leur auteur ou d'une extrapolation à partir de faits réels. Immédiatement, nous pensons comme lui à George ORWELL, dont le 1984, que l'on présente comme une description des temps à venir est surtout la transposition de ce qu'il a connu, observé et dénoncé dans les années 30 et 40.[32]
Ray BRADBURY, qui vient de nous quitter, ne s'est-il pas inspiré de la réalité pour son célèbre Fahrenheit 451 dont le héros est une pompier qui refuse de brûler les livres comme on le lui ordonne…, pire, il les lit!
Tout près de nous, Jean de PALACIO brosse l'histoire de Maurice Guilhon, passionné de langues, qui entreprend de lutter contre la maladie de la disparition des langues… une magnifique allégorie qui se termine…en musique[33]. «Ce roman est né d'une ancienne hantise et d'un fait d'actualité» écrit l'auteur…
Alors, n'est-ce pas nous, lecteurs, qui, oublieux du passé, voulons lire à travers romans et nouvelles d'authentiques (sic) fictions ? Leurs auteurs, eux, ne sont pas dupes… et c'est bien pour cela qu'ils nous alertent, encore et encore : la langue est un bien précieux.
Valérie DRECHSLER-KAYSER
Notes
[1] «Wie sie besser schreiben, Eine Deutsch-Stillkunde in 20 Lektionen» von Wolf SCHNEIDER, supplément littéraire n°20, mai 2012 de Die Zeit. Article disponible en ligne : http://www.zeit.de/2012/20/Sprache
[2] «Ce que nous entendons, ce que nous lisons, ce que nous disons, ce que nous écrivons : rien ne nous forme et ne nous guide, rien ne nous enrichit plus, rien ne caractérise mieux notre rôle parmi les gens que notre usage (fréquentation) de la langue.»
[3] Pour le Centre européen du résistant déporté au Struthof, en partenariat avec la BNU http://issuu.com/bnustrasbourg/docs/livret_steegmann
[4] Franz BOAS (1858-1942), anthropologue américain né en Allemagne, est considéré comme l'un des pères de l'anthropologie américaine. Il y importe le concept allemand de Kultur. «Boas écrit en 1933 une lettre ouverte à Hindenburg pour protester contre l’appel de Hitler au pouvoir et fait circuler en Allemagne le texte d’un article « Aryens et non-Aryens ». Son livre Rasse und Kultur, rédigé à partir du discours de réception du titre de Docteur honoris causa, à Kiel en 1931, sera brûlé par les nazis.» Michel ESPAGNE, «La question des imbrications culturelles chez Franz BOAS» in Revue germanique internationale, n°17, 2002.
[5] MAILHOT José, «Les rapports entre la langue et la culture», in Meta, journal des traducteurs, vol. 14, n° 4, 1969, p. 200-206. http://www.erudit.org/revue/meta/1969/v14/n4/003540ar.pdf
[6] pour aller plus loin sur l'entreprise de séduction et de tromperie destinée à embrigader la société allemande pour la faire adhérer, je conseille vivement la lecture de l'ouvrage de Peter REICHEL, La fascination du nazisme, paru en 1993 aux éditions Odile Jacob. Tous les domaines touchés y sont abordés.
[7] KLEMPERER Victor, LTI, la langue du IIIe Reich, traduit de l'allemand par Elisabeth GUILLOT, Pocket, 2003, p. 108. Une «consubstantialité» entre d'une part le sens et le comment de l'écrit et d'autre part, le dit (hurlé!) que Charlie CHAPLIN a remarquablement mis en scène dans The Great Dictator (1940). Klaus MANN, que nous évoquerons plus bas, en fait un portrait identique dans son article Death meant escape from outraged world for Hitler» (Hitler est mort), publié dans Stars and Stripes, Rome, 6 mai 1945. A lire en miroir de quelques pages d' Un bon allemand (titre original : Das Zerbrochene Haus, 1976) de Horst KRÜGER, dont le narrateur, après avoir appris la mort de Hitler, revient sur sa compréhension de la langue allemande nazie, la langue du mensonge (traduit de l'allemand par Pierre FOUCHER, Babel, réédition 1993, pp.198-200.)
[8] Je renvoie à la lecture du chapitre 14 de LTI, qu'on ne peut résumer.
[9] Ibidem, p. 120.
[10] Nous aurions pu, comme je l'ai écrit, dépasser aussi le domaine de la langue, des langages, pour aller vers la peinture et vers la caricature et le photomontage aussi (une étude pourrait être entièrement consacrée à Helmut HERZFELD, dit John HEARTFIELD, à son frère aussi, et à Georges GROSZ, ensemble)…Mais restons proches des mots. (Voir: http://www.dhm.de/lemo/html/biografien/HeartfieldJohn/
[11] En référence à Faust de GOETHE, évoquant «la nuit de Walpurgis», nuit du 30 avril, célébrant la fin de l'hiver et Sainte Walburge (8e siècle). Nuis qui donne lieu, partout en Europe, à une rencontre de sorcières, et où sont allumés de grands feux…
[12] Pierre DESHUSSES, préface à KRAUS Karl, La Troisième nuit de Walpurgis, traduit de l'allemand par Pierre DESHUSSES, éditions Agone, 2005, p.11.
[13] ibidem, pp. 19-20.
[14] KRAUS Karl, La Troisième nuit de Walpurgis, traduit de l'allemand par Pierre DESHUSSES, éditions Agone, Marseille, 2005, p.350.
[15] idem, pp. 361-362.
[16] On pense alors également aux travaux de Theodor W. ADORNO, qui consacre notamment son Jargon der Eigentlichkeit zur deutschen Ideologie (Jargon de l'authenticité, de l'idéologie allemande) à mettre en pièces le système d'énonciation et de pensée de Heidegger (Comme le fait également G.-A. GOLDSCHMIDT, que nous verrons plus loin, dans le dernier chapitre de A l'insu de Babel). Ses analyses sont aussi un singulier miroir du LTI de KLEMPERER. ADORNO, avec HORKHEIMER, fait également une étude très critique de la Kulturindustrie (sur la raison et la mystification des masses) dans Dialektik der Aufklärung qui parait en 1947 aux éditions Querido, qui ont publié Klaus MANN à Amsterdam.
[17] Martine LEIBOVICI, in BERADT Charlotte, Rêver sous le IIIe Reich, traduit de l'allemand par Pierre SAINT-GERMAIN, Petite Bibliothèque Payot, 2004, p.8.
[18] Charlotte BERADT n'a pas une démarche de psychanalyste ou de clinicienne, elle cherche et analyse un matériau et non l'histoire intime des personnes qu'elle entend (d'ailleurs, on lui rapporte parfois des rêves, grâce à ses informateurs, sans qu'elle ne rencontre leurs auteurs). Ce matériau et son analyse au prisme des buts de l'idéologie nazie constituent sa résistance et son manifeste.
[19] MOREAU-RICAUD Michelle, « Charlotte Beradt : La passeuse de rêves sous le régime nazi », Topique, 2006/3 no 96, p. 115-124.
[20] BERADT Charlotte, Rêver sous le IIIe Reich, traduit de l'allemand par Pierre Saint-Germain, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2004, pp.166-167.
[21] BERADT Charlotte, idem, p.77. (Elle évoque aussi à plusieurs reprises la conscience et la peur des camps, les rêves dans les camps, le langage dans les camps. Ce sujet devrait faire l'objet d'un article en soi, auquel nous pourrions porter en écho notamment les écrits de Bruno BETTELHEIM, qui fut déporté et en propose une lecture dans The informed Heart (1960) (Le cœur conscient, publié en français en 1970) et ceux de Jean CAYROL, déporté également, qui y consacrait un article dès 1948. D'aucuns penseront aussi à FREUD, évidemment, entremêlant contexte politique, langue allemande, rêve et psychanalyse.)
[22] BERADT Charlotte, idem, p.170.
[23] MANN Klaus, «L'enjeu du combat», conférence? Rédigée en anglais pour les premiers paragraphes, puis en allemand, décembre 1936, in MANN Klaus, Contre la barbarie, 1925-1948, traduit de l'allemand par Dominique Laure MIERMONT et Corinna GEPNER, Points Essais, Paris, 2009 pour les traductions françaises, pp. 179-189, passim.
[24] MANN Klaus, «Les intellectuels allemands ont-ils failli?», conférence du 11 novembre 1936 au Club judéo-allemand de New-York, in MANN Klaus, Contre la barbarie, 1925-1948, traduit de l'allemand par Dominique Laure MIERMONT et Corinna GEPNER, Points Essais, 2009 pour les traductions françaises, pp. 156-178 passim.
[25] MANN Klaus, «Pour la paix», (titre original en français), 1er mars 1936, in MANN Klaus, Contre la barbarie, 1925-1948, traduit de l'allemand par Dominique Laure MIERMONT et Corinna GEPNER, Points Essais, 2009 pour les traductions françaises, pp.154-155.
[26] MILNER Jean-Claude, «Le français est en train de devenir une langue morte», propos recueillis par Jean BIRNBAUM, Le Monde, 25 mai 2012.
[27] De manière très intime dans l'introuvable et très beau récit Une langue pour abri, Collection Paysages écrits, Creaphis Editions, avec la Fondation Facim, Grane (24), 2009. (une remarquable maison d'édition!)
[28] GOLDSCHMIDT Georges-Arthur, Le Poing dans la bouche, Verdier, 2004.
[29] GOLDSCHMIDT Georges Arthur, A l'insu de Babel, CNRS Editions, Paris, 2009, pp.130-131.
[30] Il fait référence à : HAZAN Eric, LQR, la novlangue du néolibéralisme, Raisons d'agir Editions, Paris, 2006.
[31] GOLDSCHMIDT Georges Arthur, A l'insu de Babel, prologue, CNRS Editions, Paris, 2009, pp.5-6.
[32] Voir par exemple : GILL Louis, George Orwell, de la Guerre civile espagnole à 1984, Lux Editeur, Québec, 2011 (réédition) et DEWITTE Jacques, Le pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit, Essai sur la résistance au langage totalitaire, chapitre I, Michalon, Paris, 2007.
[33] PALACIO Jean, Le Portrait, Editions Calleva, Barr (67), 2009.